Préparation physique cyclisme : objectif hiver

A chaque saison sa préparation. Dans ce registre, la saison hivernale (communément appelée « intersaison ») ne fait pas exception à la règle. C’est peut-être même l’une des périodes où l’importance d’une préparation physique est des plus essentielles. Quand je dis « préparation physique », je n’entends pas uniquement entraînement vélo, il faut également inclure musculation et éventuellement autre type d’entraînement « cardio » comme la course à pieds par exemple. Cette culture de la préparation physique (ou PP) n’est, contrairement à de nombreuses autres disciplines sportives, pas encore réellement ancrée de manière forte dans les mœurs du cyclisme amateur. « Le vélo et rien que le vélo, même en hiver », reste le mode d’entraînement privilégié d’une masse importante de cyclistes. Bien sûr, à haut niveau cette pratique a depuis quelques années pris une place essentielle dans la préparation des coureurs du peloton professionnel et certaines formations professionnelles, si ce n’est pas toutes, commencent à prendre la mesure de la chose et font désormais appel à des professionnels de la pratique.

L’hiver touche à sa fin et vous risquez de ne pas trouver grand intérêt à débuter une PP. Certes. Mais la PP est une très bonne école qui enseigne rigueur et gestion de l’entraînement. Et comme je le disais en début d’article « à chaque saison sa préparation », ce qui sous entend qu’une PP en hiver n’aura pas le même schéma qu’en été ! L’importance étant d’adapter chaque PP en fonction de son état de forme et de ses objectifs à venir.

 

  • Pourquoi la PP est-elle si importante ?

Au delà de l’aspect mental, toute pratique sportive comporte deux grandes dimensions que sont la dimension technique et physique dont leur degré d’implication est variable selon le sport pratiqué. La composante technique est propre à chaque sport et c’est donc davantage la composante physique que la PP va cibler afin de la développer et de la renforcer. Si les capacités technique et physique d’un individu sont acquises avec l’entraînement, la technique est assez peu variable une fois acquise. Par contre, la dimension physique se trouve être beaucoup plus volatile. Un bon niveau de forme physique dépend, en effet, de nombreux facteurs parmi lesquels on retrouve la régularité des entraînements, leur qualité et leur modulation dans le temps. Ce dernier point est d’ailleurs essentiel car sans variation de cycles dans son entraînement, les risques de stagnation, voire de régression de la performance sont plus importants. Un sportif ne peut pas être à bloc tout le long de sa saison, il doit sélectionner des périodes clés souvent axées sur un calendrier de compétition. La PP tiendra un rôle essentiel dans la gestion de l’état de forme physique durant les différents cycles.

Exemple de configuration d’un macrocycle d’entraînement

 

Le début de la saison hivernale est pour les cyclistes l’occasion de se relâcher mentalement et physiquement d’une saison particulièrement éprouvante. Si cette phase de décompression est indispensable dans l’anticipation de la saison suivante, car elle permet de recharger les batteries, il n’en reste pas moins que la réduction du volume d’entraînement réduira inévitablement les capacités physiques. C’est en grande partie pour cette raison qu’après les quelques jours ou semaines de pause, la reprise de l’entraînement doit être accompagnée d’une phase de PP générale (PPG) qui aura pour intérêt de « façonner » un socle physique solide sur lequel vous baserez la suite de votre préparation. Sans cette étape, le risque « d’explosion en plein vol » est augmenté. Après cette première phase de mise en route, s’ensuivront différentes étapes qui cibleront chacune des qualités physiques spécifiques à développer.

Au-delà du simple besoin de remettre en condition votre corps, n’oublions pas que nous sommes en hiver, que les journées sont plus courtes, plus froides, plus humides… Bref, les conditions environnementales sont loin d’être idéales pour la pratique du vélo. Dans ce contexte peu favorable, la PP trouve toute sa place. Elle vous permet de compléter vos entraînements et peut aussi être le moyen de casser une routine qui, à terme, peut devenir contreproductive.

 

  • Focus sur la dimension musculaire de la PP

Une PP complète intervient dans le développement de différentes qualités physiques. Elle intervient également dans l’harmonisation du fonctionnement de votre corps. Cette harmonisation est essentielle car elle permet d’apporter un équilibre dans le fonctionnement de vos différents systèmes physiologiques (par exemple : un « gros » cœur et des capacités pulmonaires importantes vous permettront d’augmenter vos capacités cardio-respiratoires, mais si votre masse musculaire n’est pas suffisante et que les capacités oxydatives de vos muscles ne sont pas suffisamment développées, l’excellent apport en oxygène dont vous bénéficierez ne trouvera pas preneur  pour être « consommé » de façon optimale).

 

-Le rôle de la musculature :

En vélo on ne vous demande pas d’avoir une masse musculaire de rugbyman. Soit. Cependant, la masse musculaire ne doit pas être vue comme un frein à la performance. Avoir une masse musculaire idéale n’équivaut pas à la réduire au stricte minimum, même dans un sport comme le cyclisme où la recherche du rapport poids/puissance est constante (et où nombreux sont ceux qui dérivent vers la maigreur).

Sur le plan aérobie, c’est-à-dire la filière énergétique consommatrice d’oxygène (O2), une masse musculaire idéale vous permettra d’optimiser les échanges gazeux et l’utilisation de l’O2 par les muscles, ce qui favorisera une hausse de votre débit maximal de consommation d’oxygène (VO2max). Le VO2max qui, par ailleurs, est un indicateur fondamental des capacités aérobies d’un sportif tel que le cycliste.

Transport de l’oxygène par le sang vers les muscles

 

L’un des objectifs majeurs en cyclisme est l’amélioration de la puissance sur le vélo. Pour ce faire, les paramètres de force et de vitesse de contraction musculaire sont indispensables. Un gain de masse musculaire (optimale et non maximale) augmentera les capacités de production de force. Couplé à un travail de vitesse de contraction, vous tendrez vers une amélioration de votre puissance maximale. Bien sûr, un gain trop important de masse musculaire deviendrait handicapant en termes de poids corporel à devoir déplacer.

Le facteur musculaire est donc un paramètre déterminant de la performance. Une augmentation des capacités oxydatives des muscles se fait notamment par un entraînement de type « High Intensity Interval Training » (HIIT), qui revient à réaliser des exercices à hautes intensités (85-95% de vos capacités maximales) par intervalles de temps. Une légère augmentation (en toute mesure) de la masse musculaire peut être envisageable afin d’augmenter la capacité des muscles à recevoir l’O2. Les paramètres de forces et de vitesses peuvent quant à eux se travailler en salle de musculation pour être ensuite exploité plus spécifiquement sur le vélo avec des séances de force et de vélocité.

High Intensity Interval Training (HIIT)

 

-Le gainage :

Le travail du gainage apporte plus de stabilité au niveau de la ceinture abdominale. Cela permet d’optimiser le rendement au pédalage. Une capacité de gainage accrue facilite un maintien de l’alignement entre les différents segments du corps. Pour exemple concret, voyez les spécialistes de contre la montre qui, à l’exception de leurs jambes, ne bougent pas d’un poil lorsqu’ils pédalent « couché » sur leur vélo. Cela illustre parfaitement leur travail de gainage qui permet une transmission idéale des forces jusqu’aux pédales et qui, par la même, réduit les dépenses énergétiques superflues causées par les mouvements « parasites ».

 

  • Aménagement de la PP

Il ne suffit pas de savoir quoi travailler pour que votre PP soit efficace. Faut-il encore savoir comment programmer étape par étape les différents cycles afin d’avoir une préparation cohérente. Concernant la PP hivernale, voici les quelques axes de travails à respecter.

 

-1ère étape : Renforcement musculaire global (haut et bas du corps) + reprise en douceur sur le vélo (environ 2 semaines)

-Musculation : Cette étape est là pour en quelque sorte « réveiller » votre corps qui est resté pendant plusieurs jours au repos. Un travail de musculation générale sera un moyen ludique de reprendre l’entraînement et retrouver une certaine tonicité musculaire. Pas besoin de forcer et chercher à vouloir mettre des charges élevées, ça ne servirait à rien et risquerait de provoquer des blessures.

-Vélo : C’est la reprise, donc petit braquet pour tourner les jambes tranquillement et aucun objectif spécifique en vue si ce n’est que de ne pas se prendre la tête et se faire plaisir.

 

-2ème étape : Travail de prise de masse/développement de la force musculaire (membres inférieurs) + début des sorties « force » (1 mois ½ à 2 mois)

-Musculation : C’est le moment de gagner un peu en masse musculaire et pour certain de passer le cap psychologique du terme « prise de masse », pas très courant dans le jargon cycliste. C’est l’hiver, vous ne cherchez pas la performance. Profitez-en pour gagner un peu en masse musculaire et en force afin de façonner une bonne base physique qui vous sera bien utile par la suite. N’ayez pas peur de prendre un peu de poids (tant que cela reste du muscle) durant cette saison, vous verrez que tout se rééquilibrera au fil des mois et vous y gagnerez peut-être même en puissance sur le vélo ! C’est une période de travail de fond, il faut passer par là pour en tirer les bénéfices par la suite ! Idéalement, deux séances de musculation par semaine avec :

-Une séance de travail de force : 4 à 5 exercices / 4 séries par exercice / 8-10 répétitions / charge : 80 à 85% de votre charge max (1RM) / 2’ de récupération entre chaque répétition

-Une séance de rappel : 4 séries / 12-15 répétitions / 60 à 65% 1RM. Travail davantage axé sur la qualité gestuelle des mouvements.

CONSEIL : Espacez d’au moins 48 heures vos deux séances.

-Vélo : Début des sorties « force » où votre braquet sera relativement important. Le but est d’axer le pédalage sur le développement de la force. Pas de rythme effréné où votre cœur monte dans les tours, la cadence moyenne de pédalage reste basse (75 rpm, environ). Intégrez des sorties axées sur la force pure qui seront à effectuer avec un gros braquet sur plusieurs bosses au profil plutôt court et relativement incliné. Alternez les passages assis et en danseuse. Trois sorties vélos par semaine serait l’idéal :

-Deux sorties en endurance fondamentale : 60 à 65% de votre fréquence cardiaque maximale.

-Une sortie spécifique force : 50 rpm dans des bosses.

 

-3ème étape : Travail de vitesse de contraction + vélocité/PMA vélo (3 semaines à 1 mois)

Ici on passe aux choses sérieuses. Fini le travail de fond, vous avez normalement posé les fondations de votre préparation. Il est temps de passer sur une phase plus « qualitative » qui vous permettra de retrouver, à terme, la capacité à maintenir un rythme soutenu au seuil.

-Musculation : Vous sortez d’une période éprouvante d’un point de vue musculaire et vous avez accumulé pas mal de fatigue. Désormais, le volume de vos séances de musculation est réduit à une par semaine. Après avoir développé votre force, vous allez maintenant travailler la vitesse de contraction. Réduisez vos charges (50 à 60% 1RM environ), faites moins d’exercices (3) et augmentez vos temps de récupération par rapport au programme précédent. Le but n’est plus de favoriser l’hypertrophie mais d’améliorer votre capacité à effectuer des contractions rapides sous charge modérée à faible. Effectuez des séries de 10 à 12 répétitions en enchaînements rapides pour améliorer votre capacité de maintien d’une cadence de contraction élevée.

[NOTE : Les mouvements de musculations ne peuvent pas reproduire la gestuelle spécifique du vélo. L’intérêt de l’entraînement musculation est surtout de gagner en tonicité (que vous n’avez pas développée durant la prise de masse) et d’améliorer la vitesse intrinsèque des contractions musculaires.]

-Vélo : Vous rentrez dans le concret, vous allez avoir deux objectifs. Tout d’abord vous avez besoin de retrouver la capacité de pédaler avec des cadences de pédalage plus élevées. Des séances spécifiques en vélocité seront donc à faire. Le second objectif concerne LE paramètre de prédilection des coureurs cyclistes en termes de capacité aérobie : la Puissance Maximale Aérobie ou PMA. Pour faire simple, l’intérêt d’un entraînement « PMA » sera de repousser l’apparition de votre seuil lactique (SL). Repousser le SL signifie que vous l’atteindrez à des intensités supérieures à celles auxquelles vous l’atteigniez auparavant. Vous augmenterez donc vos capacités à produire un effort d’intensité plus élevée tout en restant dans une filière à dominante « aérobie ».

[Focus sur la PMA et le SL et leur dimension physiologique : La PMA correspond à la puissance que vous pouvez développer lors d’un effort intense à VO2max. Ce niveau d’intensité correspond à votre capacité maximale de débit de consommation  d’oxygène. Sur le plan énergétique vous êtes au maximum des capacités aérobies, au-delà, l’implication de la filière anaérobie dans la production d’énergie, va fortement augmenter. Cet effort peut être maintenu environ quatre à huit minutes. A ce stade, vous avez déjà dépassé le SL et votre organisme ne va plus être en mesure d’évacuer l’excès d’ions hydrogènes (H+), issus de la production d’acide lactique, qui se sont accumulés dans vos cellules. Il va donc se produire un phénomène d’acidose cellulaire qui perturbera les capacités de contractions musculaires. Repousser votre SL vous permettra de retarder cette acidose et donc de pouvoir fournir un effort plus élevé plus longtemps.]

Consommation d’oxygène durant un effort maximal aérobie

 

-Sortie vélocité : Augmentation de la cadence moyenne de pédalage (80 à 85 rpm). Inclure des phases de pédalages en « hypervélocité » (90 à 110 rpm) en variant les modalités (sur le plat, dans les bosses, assis, debout, quelques secondes à plusieurs minutes…).

-Sortie PMA : Travail en HIIT à intervalles de temps variables (1’/1’, 2’/2’, 5’/5’,…). L’intensité doit être maintenue aux alentours de 80 à 90% de votre fréquence cardiaque maximale lors de la phase « intensive » et 60% lors de la phase de « récupération active ». Temps total des intervalles, environ 20’ à 40’.

CONSEIL : Variez les thématiques (HIIT à intervalles long, court, mixte,…) cela vous permettra de diversifier vos efforts et de rendre les entraînements moins monotones.

 

A l’approche des premières courses (s’il y a course), stoppez la partie musculation et réduisez votre volume d’entraînement. Cela vous permettra de compenser la longue période de PP que vous venez d’effectuer.

Après ces quelques conseils pratiques, c’est à vous de faire le job ! Gardez à l’esprit que ces conseils n’ont rien d’exhaustifs et qu’il convient à chacun de faire un programme comme bon lui semble. Inspirez vous seulement des grandes lignes…vous serrez bien armé pour l’hiver prochain !

 

 

Nicolas LOUIS DIT POULEAU  

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